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caroline galactéros - Page 6

  • Un nouveau partage du monde est en train de se structurer...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Caroline Galactéros à Figaro Vox, dans lequel elle commente les récentes déclaration d'Emmanuel Macron à l'hebdomadaire The Economist sur la situation de l'Europe. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Caroline Galactéros: «Un nouveau partage du monde est en train de se structurer»

    FIGAROVOX.- Le magazine The Economist consacre son dernier numéro et sa couverture à une interview d’Emmanuel Macron dans laquelle il affirme que le monde est au bord du précipice. La situation internationale est-elle aussi apocalyptique que celle que décrit le chef de l’État?

    Caroline GALACTEROS.- Il me semblait que le Président, dans son interview, avait appliqué cet oracle à l’Europe et non du monde. Le monde n’est pas du tout au bord du précipice. Il se rééquilibre autour de puissances qui assument leur souveraineté, définissent leurs ambitions et se donnent les moyens de les mettre en œuvre. Ce sont nos utopies qui sont en déroute et c’est bien l’Europe qui tombe dans l’insignifiance stratégique (une forme de mort cérébrale) subitement privée de la béquille mentale que lui fournissaient le lien transatlantique et son alignement servile sur les injonctions américaines. Quant à la France, elle danse sur un volcan et pas seulement au plan extérieur. Si la présente lucidité présidentielle se consolide par des actes et des dynamiques durables, alors nous éviterons le pire et peut-être même renverserons-nous enfin la vapeur à notre avantage. Ce serait là, sur le plan stratégique, une vraie et salutaire «disruption». Après Biarritz, Moscou, la Conférence des Ambassadeurs et désormais cette interview, la grande question est désormais la suivante: Jusqu’à quel point sommes-nous déterminés à désobéir et à assumer les critiques ou la résistance active de certains de nos partenaires européens?

    Le rôle de pionnier, de défricheur d’une voie nouvelle est périlleux et demandera beaucoup de ténacité. Jusqu’au moment où certains de nos partenaires, entrevoyant la liberté, voleront au secours de la victoire et nous emboîteront le pas, notamment en Europe du sud mais pas seulement. Notre vieux continent est en pleine dépression post-traumatique non traitée. Le choc? Notre abandon sans états d’âme par la figure paternelle américaine. Sur le fond, rien de bien nouveau mais le verbe trumpien nous a brutalement ouvert les yeux sur le profond mépris et l’indifférence en lesquels Washington nous tient. La servilité ne paie jamais vraiment. Emmanuel Macron a bien raison de douter de l’applicabilité de l’article 5 du Traité de l’Alliance atlantique. Le problème n’est pas de savoir si les États-Unis voleraient au secours d’un État européen attaqué par la Russie ou Chine. La Russie a vraiment d’autres chats à fouetter et la Chine «attaque» déjà l’Europe tous azimuts économiquement. Non, le problème est bien celui d’un fatal entraînement de la France ou d’un autre membre de l’Otan si jamais la Turquie venait à être prise à partie militairement par la Syrie en réponse à sa violation caractérisée de la souveraineté syrienne. Scénario peu probable à vrai dire, car Moscou ne laissera sans doute pas un tel engrenage ruiner ses patients efforts pour en finir avec la déstabilisation de son allié moyen oriental. Même chose si l’Iran venait à réagir à une provocation savante téléguidée par Washington. Moscou, Téhéran et Ankara ont partie liée pour régler le sort de la Syrie au mieux de leurs intérêts respectifs et Washington comme Damas n’y peuvent plus rien. Ce qui est certain, néanmoins, c’est que la Turquie n’agit à sa guise en Syrie qu’avec l’aval américain. Washington laisse faire ce membre du flanc sud de l’Alliance qui lui sert en Syrie de nouvel agent de sa politique pro islamiste qui vise à empêcher Moscou de faire totalement la pluie et le beau temps dans le pays et la région. Ankara gêne aussi l’Iran. Bref, ce que fait Erdogan est tout bénéfice pour Washington. Et les Kurdes ne font pas le poids dans ce «Grand jeu»? En conséquence, c’est bien l’Amérique qui dirige toujours et complètement l’Otan. S’il est bien tard pour s’en indigner ou faire mine de le découvrir, il n’est pas trop tard pour se saisir de cette évidence et initier enfin une salutaire prise de distance de l’Europe par rapport à une Alliance qui ne traite nullement ses besoins de sécurité propres.

    Nous restons extrêmement naïfs. Nous n’avons jamais eu voix au chapitre au sein de l’Alliance pas plus d’ailleurs depuis que nous avons rejoint le commandement intégré pour nous faire pardonner notre ultime geste d’autonomie mentale de 2003 lorsque nous eûmes l’audace de ne pas rejoindre la triste curée irakienne. Il faut que nous ayons aujourd’hui le courage d’en sortir et de dire que l’OTAN ne correspond pas à la défense des intérêts sécuritaires de l’Europe et d’ailleurs que l’épouvantail de la prétendue menace russe est une construction artificielle destinée à paralyser le discernement des Européens, à les conserver sous tutelle, à justifier des budgets, des postures, des soutiens résiduels au lieu de construire enfin une véritable stratégie propre à l’Europe en tant qu’acteur et cible spécifique stratégique. Je rejoins là notre président. Mais je ne crois pas du tout que L’OTAN soit en état de mort cérébrale. Il devient juste clair que ce qui pouvait, aux yeux de bien des atlantistes, justifier notre alignement silencieux et quasi inconditionnel a vécu. Trump veut faire payer les Européens pour qu’ils achètent des armes…américaines et obéissent aux décisions d’intervention américaines qui ne les concernent pas. Il est temps de ne plus supporter ce chantage et de sortir de l’enfance stratégique. Nous en avons les moyens. Il ne manquait que la volonté.

    De son côté l’UE peine à définir une politique étrangère commune, croyez-vous la diplomatie européenne encore?

    Je n’y ai jamais cru! Je ne vous rappellerai pas le cruel sarcasme de Kissinger «l’Europe? Quel numéro de téléphone?» Ce qui est possible, c’est de faire sauter un tabou ancien qui veut que l’affirmation de la souveraineté des nations européennes soit antinomique de la puissance collective et un autre, qui veut que l’élargissement de l’UE ait été destiné à la rendre puissante et influente. C’est précisément tout l’inverse. Mais il est trop tard pour regretter cet élargissement brouillon et non conditionnel stratégiquement. Il faut partir du réel et le réel, c’est qu’il existe une très grande divergence entre les intérêts stratégiques américains et ceux des Européens qui doivent se désinhiber. La France peut prendre la tête de cette libération et favoriser une conscience collective lucide et pragmatique des enjeux communs sécuritaires et stratégiques.

    Il faut commencer par une véritable coopération industrielle à quelques-uns en matière de défense, sans attendre une unanimité introuvable. Il faut créer des synergies, faire certaines concessions et en exiger d’autres, et ne plus tolérer la moindre critique de Washington sur les contributions à une Alliance enlisée dans d’interminables et inefficaces opérations.

    Alors qu’Emmanuel Macron rentre d’un voyage officiel en Chine, vous écrivez, «La Chine a émergé tel un iceberg gigantesque». La Chine est en train de tisser son empire autour du globe, est-elle en train d’imposer son propre contre modèle à l’Occident?

    Pékin agit très exactement comme Washington et joue l’Europe en ordre dispersé. Oui le «contre monde» comme je l’appelle est en marche. La Chine profite du tirage entre Washington et les Européens au fur et à mesure que les pays européens prennent conscience qu’ils ne comptent plus pour l’Amérique, mis à part pour justifier un dispositif otanien contre Moscou et empêcher le rapprochement stratégique avec la Russie qui seule pourrait donner à l’Europe une nouvelle valeur ajoutée dans le duo-pôle et triumvirat Washington -Moscou-Pékin. C’est Sacha Guitry je crois qui disait que les chaînes du mariage sont si lourdes qu’il faut être trois pour les porter. L’adage est valable pour l’Europe à mais aussi pour Moscou qui sait combien «le baiser de la mort» chinois peut à terme lui être fatal. L’Europe n’a donc pas encore tout à fait perdu de son intérêt aux yeux de Moscou même si, en ce qui concerne la France, la charge affective et historique du lien a été très abîmée. Il me semble donc que l’initiative française d’une relance d’un «agenda de confiance et de sécurité» est un pas important dans cette direction qu’il faut jalonner à bon rythme de réalisations concrètes.

    La guerre commerciale semble être la forme conflictuelle privilégiée par l’administration de Donald Trump. Les sanctions américaines pleuvent sur les entreprises chinoises, en Iran, en Russie. La guerre commerciale devient-elle un des éléments structurant d’un monde Yalta 2.0?

    La fin de l’utopie d’une mondialisation heureuse a permis la résurgence d’un politique de puissance et d’influence décomplexée. Or le commerce est l’instrument privilégié de ces relations. Il n’y a qu’en France que l’on croit encore aux pures amitiés et aux affections qui guideraient les rapprochements entre États. Attention! Je ne veux pas dire que les relations personnelles, l’empathie ou l’animosité ne comptent pas, bien au contraire. Mais ce qui compte dans l’établissement du rapport de force et dans la consolidation des rapprochements, ce sont les complémentarités économiques mais aussi culturelles et même civilisationnelles et surtout la fiabilité de la parole donnée et la crédibilité interne des dirigeants.

    Votre livre donne un aperçu global de l’état des relations diplomatiques depuis les cinq dernières années. Le monde depuis 1989, puis 2001 est en constante restructuration. Le jeu des puissances est mouvant. Quelle place la France peut-elle occuper dans un monde géopolitique si instable et imprévisible? Comment peut-on participer à construire une «coexistence optimale»?

    La France doit se voir en grand car elle a de sérieux atouts de puissance et d’influence mais elle n’en use pas à bon escient. Elle se complaît dans la repentance et l’alignement. Notre place dépendra en premier lieu de notre capacité à structurer une vision et un chemin puis dans notre ténacité à défendre nos intérêts et à affirmer nos principes.

    Il nous faut effectuer un tournant pragmatique en politique étrangère et en finir avec l’idéologie néoconservatrice. Celle-ci a dramatiquement vérolé toute une partie de notre administration et de nos élites qui ne savent plus ce qu’est l’intérêt national. La France est toujours une puissance globale. Plus que nombre d’autres. Simplement elle doit retrouver une économie florissante, restructurer son industrie, remettre son peuple au travail autour d’un projet de prospérité lié à l’effort et non à l’incantation. Un État puissant est un État sûr, qui sait d’où il vient, n’a pas honte de son passé et embrasse l’avenir avec confiance.

    La Russie de Vladimir Poutine s’est imposée aux puissances occidentales comme un acteur majeur des relations géopolitiques. Son attitude sur la crise syrienne incarne ce positionnement dans l’échiquier mondial. La Russie peut-elle être un allié «fréquentable» des puissances européennes? La distance entre les Européens et les Russes en termes de politique internationale est-elle encore légitime?

    La Russie est tout à fait fréquentable. La diabolisation infantile à force d’être outrancière, dont elle fait l’objet chez nous, nous ridiculise et surtout la conforte dans une attitude de plus en plus circonspecte envers ces Européens qui ne savent plus penser ni décider par eux-mêmes.

    En 30 ans, la Russie a vécu le pire durant les années 90 puis a entamé sans violence une remarquable reconstruction nationale. Tout n’y est pas parfait, mais pouvons-nous réellement donner des leçons et nous imaginer être encore pris au sérieux après les sommets de cynisme démontrés dans nos propres ingérences étrangères, avec les résultats que l’on sait? C’est là une posture qui sert essentiellement à se défausser, à ne pas aller de l’avant notamment sur les dossiers où nous pourrions et aurions tout intérêt à tendre la main à la Russie: sanctions, Ukraine Syrie, Libye, Union économique eurasiatique (UEE), etc… Sur ce dernier point, il faut nous montrer un peu plus lucides et anticipateurs que sur les Nouvelles Routes de la Soie sur lesquelles nos diplomates ironisaient il y a encore quelques années. L’UE doit se projeter vers l’Union Économique Eurasiatique (UEE) et nouer avec elle de très solides partenariats. Je souhaite de tout cœur que la récente inflexion imprimée par notre président à la relation franco-russe après une sombre et triste période, passe rapidement dans les faits et que nous soyons le maillon fort d’une nouvelle ère collaborative, intelligente et humaine entre la Russie l’Europe.

    La solution diplomatique peut-elle encore jouer un rôle dans le dossier syrien?

    Une solution diplomatique ne peut exister que si l’on a atteint un équilibre militaire acceptable. La Syrie doit d’abord recouvrer son intégrité territoriale. Après les Syriens décideront de ce qu’ils souhaitent politiquement pour leur pays.

    Notre implication a été si humainement et politiquement désastreuse qu’il est possible de prétendre encore pouvoir décider du sort de ce pays à la place de son peuple. Évidemment, la guerre n’est pas finie. Il y a encore des dizaines de milliers de djihadistes fondus dans la population civile d’Idlib. Il y a la Turquie, la Russie et l’Iran qui consolident dans un vaste marchandage leurs influences respectives. Et il y a tous les autres acteurs régionaux et globaux qui cherchent à tirer leur épingle du jeu et à faire oublier leurs méfaits. Nous avons eu tout faux sur le dossier syrien. Je l’ai assez expliqué, démontré et je n’épiloguerai pas. J’en parle abondamment dans mon recueil. Il est trop tard pour pleurer mais sans doute pas pour faire amende honorable, intégrer le processus d’Astana et son actuel dérivé - le Comité constitutionnel en cours de formation à Genève. Cela aussi, nous le devons à l’approche diplomatique inclusive et non idéologique de Moscou, ne nous en déplaise. Essayons, pour une fois, d’être intelligents et d’avancer pour que le peuple syrien sorte au plus tôt de son interminable martyr.

    Caroline Galactéros (Figaro Vox, 9 novembre 2019)

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  • Vers un nouveau Yalta...

    Les éditions Sigest viennent de publier un recueil de chroniques de Caroline Galactéros intitulé Vers un nouveau Yalta. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

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    " Yalta n'est plus. Un nouveau partage du monde est en train de se structurer. La France et l'Europe veulent-elles en être les acteurs ou les spectateurs ? La mise à sac du Moyen-Orient par l'Occident, les défis migratoires, sécuritaires et culturels, l'éclatement des mécanismes multilatéraux, les utopies pacifistes, le terrorisme multicéphale et nos graves incohérences vis-à-vis de l'islamisme radical, mais aussi le réveil des nations et des peuples, l'affirmation de nouvelles puissances ou la résilience d'anciennes que l'on a voulu enterrer trop vite, tous ces processus dessinent des lignes de faille et de crête de la réalité internationale qu'il nous faut d'urgence regarder avec lucidité, pragmatisme et humanité. Pour favoriser l'apaisement du monde, la moraline est inopérante ou franchement contreproductive. Elle n'est même pas un placebo, bien plutôt un diffuseur de violence. Les chroniques et tribunes rassemblées dans cet ouvrage éclairent les principaux évènements internationaux des cinq années passées et dissèquent sans concessions ni dogme la complexité des nouveaux équilibres mondiaux. Elles tracent les contours d'une réforme de la politique étrangère française et les chemins d'alliances souhaitables pour permettre à l'Europe de comprendre enfin que la préservation de la souveraineté de ses membres, loin d'être un handicap singulier, est un atout collectif qui peut peut-être encore la sauver de la double dévoration qui la guette. "

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  • La revue de presse d'un esprit libre... (46)

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    La revue de presse de Pierre Bérard

    Au sommaire :

    François Bousquet livre un bref entretien à Boulevard Voltaire où il fait le bilan d’une année très riche pour La Nouvelle Librairie et où il place aussi cette librairie dans le cadre plus large du combat culturel. « Au coeur du Quartier Latin, nous sommes aussi la librairie de la France périphérique » déclare-t-il crânement, plaçant ainsi cette initiative au cœur d’un projet de reconquête des esprits :

     
     
    Dans une tribune accordée au Figaro VoxFrançois Bousquet rédacteur en chef d’Éléments, décrit l’éruption des gilets jaunes comme la coagulation d’une colère jusqu’alors disséminée. 
    « Baissez les prix et le mépris » tel était le mot d’ordre de ces parias de la République. Formule concise et qui fait mouche dans laquelle 75% des Français se reconnaissaient. La France périphérique se mêlait enfin d’entraver le développement de la France mondialisée et diversitaire.  L’Élysée en a tremblé de stupeur puis de panique. Jusqu’à ce que les gauchistes, qui avaient jusque là méprisé ces « ploucs », en viennent à s’emparer de ce mouvement  pour le saborder de l’intérieur, conformément à la mission que leur a toujours assigné l’histoire  :
     
     
    À propos du conflit qui oppose les États-Unis à l’Iran autour du détroit d’Ormuz Richard Labévière se livre à un tour d’horizon passionnant. La fiabilité de ses informations rend d’autant plus sûres ses analyses et il y a tout lieu d’accorder crédit à l’enchaînement des décisions et contre-décisions ubuesques du Docteur Folamour de la Maison Blanche qu’il nous décrit par le menu : 
     
     
    Le Cercle Henri Lagrange interroge l’historien Philippe Conrad sur les origines et le cheminement de la pensée « nationaliste » depuis la révolution française et pose la question de ses possibles évolutions dans les années à venir avec la métamorphose progressive de ce courant vers des vues plus identitaires et européennes. Un entretien très intéressant :

    https://www.youtube.com/watch?v=btkB9MU7dPU&fbclid=IwAR2_0mau_Y4nR5xEhKQ2HHhJwVEb95Sev1eIzybWk7VVMadqzUOviv1W9LA

     
    Régis Debray présente son livre « Un été avec Paul Valéry » sur France culture. Pour l’essentiel une critique de l’UE, objet non identifié qui parle au nom de l'Europe :
     
     
    L’Université d’Evergreen dans l’État de Washington est le théâtre loufoque de la dérive d’un certain « progressisme » aux États-Unis. Ces bouffonneries de plus en plus répandues illustrent à merveille le paradoxe d’un égalitarisme se retournant contre lui même pour célébrer la dictature de toutes les minorités. C’est Ubu roi qui pointe sa trogne obscurantiste pour faire passer le sens commun pour un résidu de stéréotypes à congédier ou des préjugés à déconstruire jusqu’à « démasquer » de misérables professeurs qui avaient cru pouvoir jouer le jeu afin de se concilier leur public. Vidéo effarante de ce qui  s’installe en Europe même où  l'on voit ses linéaments se profiler chaque jour un peu plus, avec le consentement, souvent par lâcheté, des autorités académiques. La coalition bigarrée qui a pris le pouvoir dans les universités américaines de sciences humaines, armée de concepts frauduleux qui viennent cogner tout ce que les sciences dures nous apprennent est sans doute la figure de ce que l’avenir nous réserve. Ce qui vérifierait le principe selon lequel le mandarinat par son enseignement est bien le garant de la fabrique du consentement diversitaire :
     
     
    Témoignage de Frédéric Pierucci auprès de Thinkerview. Dans son long monologue cet ancien haut cadre d’Alstom passe rapidement sur sa détention de 25 mois dans les prisons américaines en otage du département d’État. Au terme de la procédure les 2/3 d’Alstom sont rachetés par Général Electrique dans l’indifférence des pouvoirs politique et avec la tacite complicité de Macron,  ministre de l'économie. Ainsi les turbines qui équipent notamment notre force de frappe et nos centrales atomiques passent à « l’ennemi ». Une véritable forfaiture … 
    Nombreuses autres révélations sur notre dépendance naïve vis à vis des USA par la biais de l’extraterritorialité du droit américain dans le témoignage de cet authentique patriote français : 
     
     
    Plutôt décoiffante l’interview d’Arnaud Montebourg par Thinkerview ! Il y traite de l’absence de politique industrielle française et de la guerre économique que nous infligent les États-Unis souvent secondés par une cinquième colonne française haut placée :
     
     
    Arnaud Montebourg dans une audition devant le sénat reprend et précise ses arguments. Tant que l’UE sera paralysée par la nécessité du vote unanime de ses 27 participants, elle ne pourra pas lutter efficacement contre l’extraterritorialité des lois américaine puisque ses membres ont des intérêts nationaux divergents. Dans ces conditions dit-il, il ne faut pas attendre comme Godot que l’Union Européenne veuille bien nous défendre, mais recourir dans l’urgence à une stratégie nationale avant que des pans entiers de notre dispositif industriel ne soit racheté ou mis à terre. 
    Dans cette affaire l’Union ne nous défend pas; bien au contraire elle nous désarme. Dans cette même vidéo l’ancien ministre socialiste se prononce également contre la privatisation des aéroports 
    de Paris :
     
     
    Le patrimoine industriel français vendu à la découpe. La grande braderie se poursuit… Tribune de Laurent Izard à lire en connexion avec les références précédentes :
     
     
    Un exemple supplémentaire des tergiversations françaises afin de protéger nos données sensibles qui demeurent à disposition de nos « alliés » américains :
     
     
    Dans un tribune très intéressante de Marianne Caroline Galactéros déclare sans embage que « se rapprocher de la Russie n’a jamais été aussi urgent pour la survie de l’Europe » allant ainsi à l’encontre d’une doxa bien enracinée chez les hommes et femmes politiques de notre continent. La présidente du pôle français de géopolitique GEOPRAGMA nous livre une chronique de politique internationale qui puise au meilleur du renseignement sur les rapports de force. Un point reste à interroger, elle persiste à voir dans l’Union européenne un acteur possiblement souverain, ce que tous ses agissement ont jusqu’à présent démenti  :
     
     
    Dans une interview accordée le 19 août à Hadrien Désuin Caroline Galactéros développe ses vues concernant les relations entre l’Europe, la France et la Russie. Titre de l’entretien : « Isoler la Russie pour complaire à notre grand allié était un calcul stupide ». Selon elle, tant que notre président ne s’affranchira pas des réseaux néoconservateurs qui noyautent son administration comme celle de Donald Trump rien de neuf ne pourra intervenir. Ces réseaux qui véhiculent une conception fossilisée en désignant la Russie comme ennemi principal de l’Europe et négligent de ce fait de véritables forces actives représentent un authentique danger pour l'avenir d’une hypothétique Europe-puissance. Elle plaide enfin pour que nous cessions de nous payer de mots et que nous ayons le courage suffisant pour abandonner notre statut de vassal de l’Amérique. « Oser désobéir, prône-t-elle, et tenir. Ce serait là un grand coup donné dans la fourmilière de nos inconséquences collectives et une véritable révolution stratégique pour l’Europe, son premier pas dans le monde des adultes, sans brassards, sans bouée, sans harnais ! Qu’attendons-nous ? » :
     
     
    Texte de 2016 où Christopher Gérard célèbre avec éclat le sens tragique de ce que fut le paganisme européen avant de devenir à l’époque contemporaine un néo-paganisme folklorisé que n’habite plus aucun souffle spirituel :
     
     
    Emission Répliques de 2019 dans laquelle Alain Finkielkraut, en compagnie de René de Ceccatty (traducteur) et d’Olivier Rey (philosophe et mathématicien), s’interroge sur la véritable identité 
    métapolitique de Pier Paolo Pasolini qui avait, disait-il « un amour infini pour les gens ». Connu en France comme un cinéaste prolifique, Pasolini fut également un poète et un romancier qui toujours 
    ferrailla contre la modernité et la société de consommation dont il disait « la fièvre de consommation est obéissance à un ordre non énoncé ». 
    La parution de Chaos : contre la terreur  (RN éditions 2018), recueil d’articles parus entre 1968 et 1970 est l’occasion de la présente discussion. Comme de nombreux intellectuels de son époque Pasolini faisait vibrer un non définitif au système en place, mais ce non avait quelque chose de singulier dans la mesure où il était obnubilé par le sentiment nostalgique de la perte définitive d’un monde fait de différences culturelles innombrables. Il anticipait l’ethnocide, véritable cataclysme anthropologique, au bout de ce cheminement mortifère. 
    Pasolini n’était nullement progressiste; au contraire pourrait-on dire puisqu’il voulait la révolution pour sauver le passé. C’est sur ce non singulier que se prononcent les participants de l’émission et en 
    particulier un Olivier Rey particulièrement brillant et original dans son approche de l’intellectuel contestataire :
     
     
    Le site de l’emission précédente rappelle très opportunément les coordonnées de l’article paru sur L’inactuelle qui est une interview d’Olivier Rey par Thibault Isabel à propos de sa préface de Chaos : contre la terreur :
     
     
    À l’encontre des esprits irrationnels qui entendent soutenir que le réchauffement actuel des climats n’aurait rien à voir avec une cause anthropique, soit pour délester le néo-libéralisme de ses responsabilités, soit pour invoquer un imaginaire « complot mondialiste », ces études parues récemment dans Nature Geoscience et dans Nature infligent un cruel démenti à ces théories abracadabrantesques  :
     
     
    Conférence de 2017 d’Emmanuel Prados, chercheur à l’INRIA, sur l’effondrement. Après avoir présenté les analyses scientifiques décrivant les plus saillants des mécanisme en cours, le scientifique s’interroge 
    ensuite sur la situation actuelle dans nos sociétés. Tout concorde à vérifier l’hypothèse d’un effondrement global dans les années à venir comme le prévoyait les rapport Meadows. Cela est-il inéluctable ? 
    Pouvons-nous agir efficacement afin de reculer ou d'annihiler cette échéance ? Il semble bien que non… Remarquable intervention :
     
     
    Peut-on avoir à la fois des racines et des ailes ? Autrement dit, est-il possible de concilier le cosmopolitisme et l’enracinement ? Réponse Françoise Bonardel, professeur émérite de philosophie des religions à l’Université Paris I panthéon-Sorbonne :
     
     
    Première partie d’un article de L’Iliade consacré à la permanence de la tradition du champ à l’assiette en Alsace. Bon article malgré certains oublis (le houblon et la tradition brassicole de la région) :
     
     
    Un plaidoyer bienvenu  pour les statistiques ethniques en France proposé par les Identitaires :
     
     
    Le site De Defensa reproduit un article du journaliste irlandais Robert Bridge qui, citant Isaiah Berlin et Johan Gottfries Herder, illustre les conséquences destructrices pour nos société de la conjonction d’une immigration de masse et d’une réduction de la pensée à un politiquement correct devenu hégémonique :
     
     
    La fraude sociale des personnes nées à l'étranger. Un tonneau des Danaïdes évalué à 14 milliards d’euros sur lequel pèse une véritable omerta, article d’André Posokhow paru sur le site de la Fondation Polémia :
     
     
    Renaud Camus ayant été à nouveau mis en cause dans la récente tuerie d’el Paso (États-Unis), il répond vertement à une journaliste de Die Welt sur le syntagme de « Grand remplacement » et ses 
    pseudo-conséquences :
     
     
    Paul-François Paoli qui vient de publier sa biographie intellectuelle Confession d’un enfant du demi-siècle aux éditions du Cerf est interrogé à ce propos par Le Figaro. Titre de sa chronique « La gauche est devenue le camp du conformisme, le conservatisme celui de la transgression » :
     
     
    Pris dans la nasse de la culpabilité collective nombre d’Européens demeurent taraudés par les crimes de l’esclavagisme et de la colonisation. Dans cet article Alexis Brunet  démontre à ces esprits faibles rongés par la moraline qu’il n’est nullement nécessaire d’expier des « fautes »  qu’ils n’ont pas commises. À moins que l’on en tienne pour une conception essentialiste des populations ce qui dans ce cas, voudrait également dire que tous les Arabo-musulmans seraient taxés éternellement d’une traite qui a duré beaucoup plus longtemps  que la traite occidentale et s’est accompagnée du fait de la castration des noirs d’un nombre beaucoup plus élevé de victimes :
     
     
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  • Se rapprocher de la Russie, une urgence pour la survie de l'Europe ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli dans Marianne et consacré à l'indispensable rapprochement entre l'Union européenne et la Russie. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Se rapprocher de la Russie n'a jamais été aussi urgent pour la survie de l'Europe

    A l’heure où j’écris ces lignes, depuis le sud d’une Europe étourdie de torpeur estivale telle l’insouciante cigale de la fable, un calme étrange semble régner sur les grandes affaires du monde. Un silence inquiétant aussi, comme celui qui précède l’orage en montagne ou le tsunami en mer. En matière de guerre comme de paix, le silence est toujours un leurre. Il se passe en fait tant de choses « à bas bruit » qui devraient mobiliser les chancelleries occidentales et leur faire élaborer des politiques nouvelles, ne serait-ce même que de simples « éléments de langage » disruptifs.

    Le nouveau partage du monde n’est pas une césure infranchissable. L’approfondissement du discrédit moral et politique des États-Unis, notamment depuis l’arrivée de Donald Trump, président grandement sous-estimé mais jugé imprévisible et changeant souvent de pied, pousse les acteurs de deuxième rang, pour survivre en dessous du nouveau duo de tête sino-américain, à ne plus mettre tous leurs œufs dans le même panier, tandis que Washington détruit méthodiquement tous les mécanismes et instruments multilatéraux de dialogue.

    Rééquilibrage mondial

    La crise du détroit d’Ormuz creuse les fractures attendues, comme celle qui oppose les Etats-Unis, Israël et l’Arabie saoudite à l’Iran secondé par Moscou et Ankara sous le regard gourmand de Pékin. Elle révèle aussi l’approfondissement de rapprochements plus insolites, tel celui de Moscou et de Ryad, chaque jour plus visible en Syrie au grand dam de Washington. En témoigne, outre leur rapprochement pour maintenir les cours du pétrole, l’amorce d’une coopération militaire entre les deux pays avec des achats de S400 par Ryad (comme d’ailleurs par Ankara dont l’opportunisme ne connait plus de limites). Ryad achètera aussi aux Chinois des technologies de missiles et des drones.

    Quant aux Émirats arabes unis, ils ont annoncé au salon IDEX 2019, des acquisitions d’armements divers à la Russie pour 5,4 milliards de dollars et notamment de systèmes anti-aériens Pantsir-ME. Les enchères montent. Autre signe de ce « rééquilibrage », le récent jeu de chaises musicales au sein des services syriens de sécurité, sous la pression de Moscou, au profit de personnalités sunnites adoubées par Ryad, contre l’influence iranienne jusque-là dominante. Même le Hezbollah prendrait quelques ordres à Moscou désormais. De là à penser que la Russie mènera pour longtemps la danse en Syrie, mais souhaite néanmoins favoriser un règlement politique ayant l’imprimatur discret de Washington, Ryad et Tel Aviv – et donc défavorable au clan Assad (le bras-droit du frère de Bachar el-Assad, Maher, putatif remplaçant, vient d’être arrêté) et à son tuteur iranien – il n’y a qu’un pas…

    Ce qui ne veut pas dire que Moscou laisse tomber Téhéran. Elle s’en sert pour optimiser son positionnement entre Washington et Pékin. La Russie vient d’annoncer de prochaines manœuvres militaires conjointes. L’Iran, étouffé de sanctions, ne peut évidemment tolérer d’être empêché de livrer même de toutes petites quantités de brut qui assurent la survie politique du régime et la paix sociale. La République islamique a donc répliqué à l’arraisonnement par les Britanniques – à la demande de Washington – du Grace One près de Gibraltar le 4 juillet dernier (pétrolier transportant du pétrole brut léger) et prend la main : saisie le 13 juillet, du pétrolier MT-RIAH puis, le 19 juillet, du britannique Stena Impero…. et enfin le 4 août, par celle d’un troisième bâtiment.

    Iran/Etats-Unis : qui a la main sur qui ?

    Téhéran menace désormais d’interdire le Détroit d’Ormuz (un tiers du transit mondial d’hydrocarbures) dont elle partage la propriété avec Oman et les Émirats arabes unis (la passe étant par endroits trop étroite pour constituer des eaux internationales) et tolère l’usage international à certaines conditions par les seuls signataires de la Convention maritime internationale de 1982. Il est vrai que Washington met de l’huile sur le feu jour après jour et vient d’imposer illégalement de nouvelles sanctions à l’encontre du ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif- peut être l’ultime et plus compétent négociateur pouvant arrêter l’escalade – notamment pour entraver ses déplacements. Qui veut la paix ? Qui veut la guerre ? De provocations en enfantillages, certains dirigeants semblent avoir perdu tout sens de leurs responsabilités envers la paix mondiale. Car si le Détroit d’Ormuz venait à être véritablement interdit par Téhéran au passage des tankers, l’explosion du prix du brut qui s’ensuivrait serait très vite insupportable pour l’économie mondiale et une gigantesque récession surviendrait. En dépit des apparences, c’est donc l’Iran qui tient le sort des États-Unis et de l’économie occidentale entre ses mains.

    La « pression maximale » crânement brandie comme un trophée par le président Trump à l’encontre de Téhéran s’exerce donc dans les deux sens. Cette folle politique de Washington qui prétend contraindre le pouvoir à élargir le spectre de l’accord sur le nucléaire de 2015 (attente parfaitement utopique ou trompeusement avancée pour provoquer un conflit) est un échec patent. Certes, Londres par la voix de son nouveau premier ministre Boris Johnson, dont le pedigree personnel dessine une possible et gravissime double allégeance, a choisi, as usual, « le Grand Large » comme en a témoigné l’arraisonnement du Grace One. L’Allemagne se montre quant à elle prudente, cherchant à ménager la chèvre et le chou et à profiter du manque de discernement de la France.

    Bientôt un Yalta 2.0 ?

    Paris en effet, s’oppose (pour combien de temps) à une coalition pour garantir la circulation dans le détroit d’Ormuz que demande évidemment Washington, et essaie de s’accrocher à l’Accord moribond… après avoir commis l’insigne faute d’appeler à son extension aux questions balistiques pour complaire à Washington et Tel Aviv. Nous avons donc encore une fois joué, inconsciemment faut-il l’espérer, une partition américaine qui contrevient à tous nos intérêts et précipite la guerre.

    Ce focus sur l’actualité internationale du moment ne fait que manifester l’ampleur des enjeux du Yalta 2.0 qui s’annonce. Mais « le Rideau de fer » de ce nouveau partage s’est déplacé vers l’Oural, à l’extrême est de l’Europe, et cette translation met clairement la Russie dans le camp de l‘Europe. En effet, si l’Oural sépare géographiquement l’Europe de l’Asie, à sa verticale se trouvent précisément les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale, qui font toujours partie de la ceinture de sécurité de la Russie et sont désormais convoitées par la Chine. Or, si l’Eurasie est toujours au cœur des convoitises des grands acteurs (dont les États-Unis), il est une autre opposition que nous ne voyons pas alors qu’elle devrait pourtant focaliser notre capacité d’analyse stratégique et notre action diplomatique : c’est la rivalité montante entre la Chine et la Russie pour la domination économique et politique de l’Asie centrale et même du Caucase.

    Les tracés nord (Chine-Kazakhstan-sud Russie-nord Caucase jusqu’en Mer noire sur le territoire russe) et centre (Ouzbékistan-Turkménistan-Iran-Turquie) des Nouvelles Routes de la Soie visent en effet à mettre sous dépendance économique progressive les « Stans », et donc, au prétexte de la lutte contre les Ouigours musulmans, à permettre à Pékin de disposer progressivement d’un levier de déstabilisation économique et sécuritaire important sur Moscou. L’influence est aussi (et souvent avant tout) faite de capacité de nuisance.

    Et l'Union européenne dans tout cela ?

    En conséquence, « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural » – englobant la partie européenne de la Russie – n’a jamais été aussi nécessaire et urgente pour la sauvegarde de l’Union européenne, si cette dernière espère compter entre États-Unis et Chine et éviter le dépècement et la dévoration. Pourtant le rapprochement de l’Union européenne avec la Russie reste ignominieux, inconcevable, indéfendable à nos dirigeants piégés par une vision idéologique et faussée de leurs intérêts comme des nouveaux rapports de force du monde. C’est l’impensé, l’impensable, l’angle mort de la projection stratégique de l’Europe. Pour les élites et institutions européennes, la Russie – que l’on assimile toujours à l’URSS -, est par principe vouée aux Gémonies, l’Amérique idéalisée, le péril chinois minimisé, l’Inde ignorée, le Moyen-Orient déformé et l’Afrique sous-estimée. Les ravages de « la pensée magique » touchent malheureusement aussi la politique extérieure.

    Pour entraver une dérive collective vers une nouvelle loi de la jungle internationale qui ne s’embarrassera même plus de gardes fous juridiques imparfaits, il est urgent de retrouver les bases d’une coexistence optimale entre les grands acteurs et ensembles régionaux. Urgent surtout de cesser de croire en la chimère d’un magistère moral occidental ou simplement européen qui a volé en éclats. Dans un saisissant paradoxe, le dogmatisme moralisateur ne passe plus la rampe et une révolution pragmatique et éthique de la pensée stratégique occidentale s’impose. La France peut encore en prendre la tête et entrer en cohérence avec elle-même pour se protéger, compter et convaincre.

    Caroline Galactéros (Marianne, 6 août 2019)

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  • Europe : l'influence américaine en question...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'émission L'échiquier mondial, sur RT France, consacrée aux tiraillements dans les relations entre les Etats-Unis et l'Europe, au cours de laquelle Caroline Galactéros répond aux questions d'Oleg Shommer. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle vient de créer, avec Hervé Juvin, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

                                      

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  • Conflit Iran-USA : L’arroseur arrosé ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur le site de Géopragma  et consacré à la montée des tensions entre les États-Unis et l'Iran... Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle vient de créer, avec Hervé Juvin, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Conflit Iran-USA : L’arroseur arrosé ?

    Tandis que l’Europe ouvre douloureusement les yeux sur la réalité de ses profonds déchirements et se repolarise dangereusement entre mondialistes et nationalistes, les grandes manœuvres internationales auxquelles la France manifestement ne comprend goutte et dans lesquelles elle renonce à jouer une carte singulière se poursuivent.

    Après la menace iranienne de bloquer le détroit d’Ormuz et les incidents touchant des bateaux saoudiens et émiratis, après la stigmatisation par Washington des Gardiens de la Révolution iraniens comme organisation terroriste et celle, en représailles, du CENTCOM américain par les autorités iraniennes, la sagesse semble venir de celui que l’on diabolise depuis des années.

    Téhéran vient de proposer un pacte de non-agression régionale et considère que la décision américaine d’envoyer 1500 hommes supplémentaires dans la zone comme le déploiement dans le Golfe du porte-avions Abraham Lincoln et de bombardiers B-52 constituent une « menace pour la paix et la sécurité internationales ». La mention n’est pas anodine. C’est celle du chapitre VII de la Charte des Nations Unies qui seule, en théorie, autorise une intervention collective de membres des Nations Unies pour faire pièce à une menace collective majeure. En d’autres termes, Téhéran prend Washington à son propre piège, le désigne formellement comme le fauteur de guerre et en appelle aux lambeaux du système multilatéral pour l’empêcher de nuire. Le ministre des Affaires étrangères iranien s’est rendu à Bagdad pour rappeler que son pays n’a violé à ce jour aucun de ses engagements internationaux et que « l’Iran souhaite avoir de meilleures relations avec les pays de la région du Golfe persique et accueille favorablement toutes les propositions visant à dissiper les tensions actuelles. » Il s’est ensuite envolé en Inde, en Chine, au Japon, au Turkménistan puis au Pakistan où il rencontré hier le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et le Chef des armées pakistanaises. Son périple se poursuivra en Russie puis s’achèvera à Bruxelles. L’Irak est évidemment un élément majeur de l’axe de soutien qui se dessine à l’échelle régionale, à l’instar d’Oman, des Emirats arabes unis, du Koweit et du Qatar. À Oman, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères a confirmé quant à lui que Téhéran rejetait toutes discussions directes ou indirectes avec Washington, mais était « prêt à établir des relations équilibrées et constructives avec tous les pays de la région du golfe Persique, fondées sur le respect et les intérêts mutuels ». Le ministre des Affaires étrangères omanais a insisté en écho sur la nécessité de faire preuve de retenue de la part de toutes les parties face à la situation critique dans la région.

    Dans cette partie du monde volatile et sur-armée, chacun de ces Etats, pour ses propres raisons et intérêts, craint le bellicisme américano-israélien qui triomphe à Washington dans l’entourage présidentiel autour de MM. Bolton et Pompéo. Les déclarations du Président Trump qui appelle Téhéran au dialogue « s’il le souhaite », tout en le mettant depuis 18 mois sous une pression extraordinaire pour provoquer une radicalisation du régime qui nourrirait son discours diabolisateur et un passage à l’acte guerrier sont, au choix, d’une naïveté ou d’un cynisme confondant. Mais cette séquence inquiétante est aussi la marque d’une course américaine aux objectifs infiniment plus prosaïques : la récupération d’un maximum d’alliés et la fourniture massive d’armements au prétexte d’une urgence sécuritaire largement construite, pour s’exempter du contrôle des exportations d’armes du Congrès des Etats-Unis. Celui-ci est à l’occasion accusé de mettre l’Amérique en danger par ses atermoiements. Bref, la guerre politique interne à Washington dans la perspective de la présidentielle de 2020 se poursuit sur le dos des Iraniens et des malheureux Yéménites. Les rebelles Houthis sont eux accusés de rien moins que d’accroitre l’instabilité régionale, de menacer l’économie mondiale (sic), de détruire les infrastructures et de terroriser le peuple yéménite…

    Notons que ces opportuns transferts d’armes sont aussi valables pour la Corée du Sud, l’Arabie Saoudite, Israël, l’Inde, mais aussi la Grande-Bretagne, la France, l’Espagne, l’Italie et l’Australie. Une magnifique façon de vendre des armes larga manu en prétendant sauver une fois encore le monde du Mal. Une façon aussi de ramener les brebis égarées ou dubitatives d’un camp occidental en déroute qui commence à comprendre que son intérêt politique et sécuritaire n‘est peut être plus l’alignement systématique sur les volontés de l’Oncle Sam… Reste à trouver l’étincelle pour allumer la mèche. Différents scénarios existent pour donner naissance à une crise opposant l’Iran aux États-Unis. Des groupes armés à la solde d’Ankara ou de Riyad pourraient attaquer des positions américaines en Irak (les bases militaires américaines en Syrie ayant été évacuées) et en accuser les forces proches de l’Iran.

    L’Allemagne s’implique dans le processus de médiation en cours pour éviter un engrenage sanglant. Que fait Paris mis à part fournir des armes à la coalition saoudo-émiratie qui met en pièces le Yémen ? Il serait temps de remettre enfin un peu de cohérence entre nos allégeances internationales et nos intérêts nationaux, notamment sécuritaires. Nous avons, à ce moment décisif pour les équilibres mondiaux, une occasion historique d’exprimer notre souveraineté et de montrer au monde une autonomie de pensée, d’analyse et de décision. Nous entendons et comprenons la position iranienne. L’Amérique doit reculer et cesser de déstabiliser la région. Pas très compliqué et très légitime.

    Caroline Galactéros (Géopragma, 28 mai 2019)

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